N°9 - Usine à Chaussettes - de fil en aiguille, dernier article

Bonjour.

Cet article N°9 sera la dernier sur la comptabilité de FLUX et notre usine de chaussettes.

Qu'avons-nous appris jusqu'ici? 


Que la comptabilité analytique pouvait "motiver" les mauvaises décisions.

En effet, elle est restée basée sur les règles du début du vingtième siècle où le labeur des ouvriers était directement lié au coût des produits fabriqués. Pourquoi? Parce que les ouvriers étant payés à l'unité fabriquée:

  • si ils ne produisaient rien, ils ne coûtaient rien, 
  • et inversement plus ils produisaient plus ils coûtaient... mais à l'unité, le coût était égal.


Avec la comptabilité de FLUX au contraire, on arrête d'associer un coût unitaire de main d'oeuvre à un produit. 

On se concentre sur les flux de ventes qui nous apportent le Throughput (T) qui est défini comme le prix de vente du produit moins les coûts totalement variables du produit; c'est le seul coût associé au produit d'ailleurs, c'est à dire celui qui est réellement variable (noté TVC), ex. : la matière première, le transport, la commission sur vente de ce produit. Les STOCKS&Investissements (notés I) sont toutes les choses que nous pouvons vendre à un moment pour des sommes d'argent sonnantes et trébuchantes (stock de matière première ou produits finis; bâtiments, machines, installations, équipements...).
L'origine de cette comptabilité de FLUX?
Le monde moderne a rendu la main d’œuvre un coût fixe qui rentre dans les Coûts d’Exploitation (OE), tels que les loyers, l'électricité, les dépréciations, charges financières... La main d’œuvre que la comptabilité analytique veut absolument associer à un produit pour pouvoir calculer un "coût unitaire" est une supercherie... que vos employés travaillent ou non, ils vous coûtent la même chose puisqu'ils sont payés pour leurs congés, leurs arrêts maladies, les jours fériés etc... et pourtant là, ils ne produisent absolument rien.

Effectivement, vous allez vous dire, mais c'est qu'il se répète le Erik... et je ne vous contredirai pas, car c'est bien le sens de mes écrits: répéter des choses qui sont logiques mais que l'on a du mal à assimiler tellement nous avons pris d'autres habitudes.

Toujours pas de questions? tout vous semble clair? pas de doute?

Alors c'est parti on continue!
Avec notre ami Bob Sproull qui dans son blog Focus & Leverage reprend l'annexe écrite par Bruce Nelson, dans leur livre Epiphanized: Integrating Theory of Constraints, Lean and Six Sigma (TLS) (Bob Sproull et Bruce Nelson - North River Press, 2012), et voici donc la traduction du dernier article de cette série Focus and Leverage Part 252 sur la comptabilité analytique, la comptabilité de flux et notre usine à chaussettes:

Opposition Comptabilité de Flux / Comptabilité Analytique

Cet article sera donc le dernier de notre série sur la comptabilité analytique (Cost Accounting) et la comptabilité de FLUX (Throughput Accounting) écrit par Bruce Nelson dans l'annexe de notre livre Epiphanized: Integrating Theory of Constraints, Lean and Six Sigma (TLS) (North River Press, 2012 et j'espère que vous avez apprécié.
Tant de compagnies, pour lesquelles je suis consultant pour les aider à redevenir rentable, souffrent encore de cette mainmise de la comptabilité analytique dans leur manière de prendre leur décision, que j'espère réellement que cette série d'article vous aide et soit bénéfique pour mieux comprendre les différences énormes qu'il y a à travailler dans le monde des "coûts" (comptabilité analytique) et dans le monde du "Throughput" qui est celui des ventes et de la comptabilité de flux.

Le processus de prise de décisions devient bien plus simple lorsque les outils T, I et OE sont considérés.  Le mouvement ascendant ou descendant de ces trois mesures devrait fournir assez d'information pour la bonne stratégie et les bonnes décisions. Toute bonne décision devrait être basée sur l'impact global sur l'entreprise et non pas juste sur une unité ou une procédure isolée. Si votre pensée est limitée au niveau le plus bas de l’organisation, et si vous vous concentrez sur la mauvaise partie de l'entreprise, alors l'impact positif ne sera jamais ni vu ni ressenti par l’organisation toute entière.

Figure 1: Compta Analytique et Compta de Flux: ordre de priorité différent




Si nous comparons ces 2 concepts au plus haut niveau, alors la comptabilité analytique (C.A.) représente toutes les actions que vous faites pour économiser de l'argent, alors que la comptabilité de flux (T.A.) représente toutes les actions que vous faites pour gagner de l'argent.
Une fois que vous avez fait toutes les réductions de coûts et que vous avez encore besoin de plus, qu'est-ce qu'il vous reste à faire?  Ou pouvez-vous encore réduire des coûts?
D'un autre côté, si l'on parle de "gagner de l'argent", la limite est théoriquement infinie. Quelle est la limite de combien d'argent votre compagnie peut gagner aujourd'hui?
La  Figure 1 compare les priorités de plus haut niveau de chacune des comptabilités énoncées. Avec ces différences dans les priorités, il est aisé de comprendre pourquoi la C.A. se concentre sur la réduction de coût, et pourquoi la T.A. est concentrée sur comment gagner plus d'argent.
Ainsi, réfléchissez au BUT réel de votre entreprise avant de décider quel chemin suivre.


Vous pouvez prendre le journal quasiment n'importe quel jour de la semaine et voir les effets de ces priorités. Vous pourrez lire de la compagnie XYZ qu'elle va renvoyer 500 personnes afin de réduire ses coûts et devenir plus efficiente et se repositionner avec ce que demandent les clients et bla bla bla.... !  Ce que ces entreprises sont réellement en train de vous dire c'est qu'elles ont oublié comment gagner de l'argent. Elles sont tellement concentrées sur sur les économies d'argent, qu'elles en ont oublié quel était le réel BUT de leur entreprise.

Alors comment est-ce qu'on en est arrivé là? Pourquoi les choses se passent-elles de la sorte? Si toute cette comptabilité analytique qui dit de réduire les coûts était si bonne, alors pourquoi tant de sociétés sont-elles dans la panade, ou pire font faillite?! Il y a de nombreuses raisons, et certaines pourraient être débattues pendant des semaines, voire des mois ou mêmes des années.  Cependant, quel que soit le grande nombre de raisons qu'il existe, toutes ne sont pas égales. Certaines raisons sont plus importantes et ont eu plus d'effet que d'autres.
Observons le modèle des coûts associé avec les 2 concepts de comptabilité analytique d'un côté et celle de flux de l'autre.  Cela nous donne une histoire intéressante qui explique pourquoi les choses sont telles qu'elles le sont... Dans la Figure 2, voici la définition du modèle des coûts vu par la compta analytique (C.A.) et la compta de flux (T.A.).

Le produit représenté dans la Figure 2 est exactement le même pour les deux modèles. Il indique un prix de vente identique, les mêmes procédés de fabrication, tout pareil.  Dans le modèle C.A. vous remarquerez les couches de coûts associés qui sont appliqués à chaque produit comme un pourcentage du coût total, ou un taux alloué. La somme totale de ces coûts, quoiqu'ils puissent être, est égale à ce que la C.A. considère être les coûts de fabrication. Étudions de plus près chaque couche.
Figure 2: Comparaison du modèle des coûts entre C.A. et T.A.


Matières Premières  — C'est le coût total de toutes les matières premières utilisées dans le produit que vous fabriquez.  Un moyenne de coût de matières premières (M.P.) pour la plupart de compagnies tourne autour de 40%, mais certains coûts de M.P. peuvent être beaucoup plus élevés.

Coût de la main d'oeuvre — C'est le coût de main d'oeuvre alloué par unité produite.  Il est normalement calculé en se basant sur un nombre total de pièces produites par heure ou par jour, ou par lot de production (batch), ou par commande, ou encore d'autres valeurs. Puis le coût total de la main d'oeuvre est divisé par ce nombre d'unités considéré, pour arriver à un pourcentage de main d'oeuvre à allouer à chaque pièce.

Frais généraux — Ceci est le pourcentage alloué par unité produite pour payer les tous les frais généraux de la structure. Ces frais sont du type travaux administratifs, équipe managériale, formation etc. Normalement, ce type de frais généraux porte sur très nombreuses unités produites, et en même temps sur aucune unité en particulier. Les ressources humaines ou même le département de la finance sont des exemples de l'organisation qui vont aller dans la catégorie des "frais généraux".  Il vous faut bien un endroit pour facturer et récupérer les frais généraux.

Coûts administratifs de l'entité — C'est la partie des coûts alloués qui prend en compte toute la partie managériale du groupe (équipe etc.) et tout ce qu'elle apporte à l'entreprise.

Profit (taux de marge) — Là c'est la partie où vous devez mettre le pourcentage de marge que vous voulez recevoir pour votre produit.

Prix de vente du produit  (P.V.) — Ceci est le prix de vente de votre produit une fois que vous avez additionné toutes les catégories de coûts de production et le pourcentage de marge que vous souhaitez en obtenir.

Il pourrait très bien y avoir plus de couches de coûts dans votre entreprise, mais à la fin, l'espoir est que lorsque vous avez additionné tous les coûts et que vous vendez le produit sur le marché, ou au consommateur, ou à la prochaine étape dans la supply chain, votre prix de vente soit toujours plus élevé que vos coûts de production. Si c'est le cas, alors vous avez dégagé du profit (résultat).

Pourtant en réalité, le prix de vente n'est pas déterminé par le fabricant, mais plutôt par les consommateurs. Si le prix est trop élevé ils n'achèteront pas votre produit et iront voir ailleurs. Donc, si cela se produit, quels sont vos options ?  Il va bien falloir que vous baissiez vos coûts et votre prix de vente d'une manière ou d'une autre pour rendre votre produit plus attractif pour le consommateur. Et comment faîtes-vous cela ? Vous pourriez réduire votre taux de marge (profit), mais la plupart des sociétés n'aiment pas cela. Si vous ne pouvez pas toucher à ça, que pouvez-vous faire d'autre? Pourquoi pas les frais généraux ? Vous pouvez ralentir ou arrêter de faire certaines des activités liées aux frais généraux, comme la formation par exemple. Vous pourriez aussi réduire les coûts des matières premières.  Peut-être trouver un fournisseur différent,  ou acheter des composants moins chers. Si vous faites cela, alors quid des risques sur la qualité ? Et réduire les coûts de main d'oeuvre ? Si pouviez être juste un peu plus productif, alors les coûts de main d'oeuvre baisseraient. Si les coûts de main d'oeuvre baissent, alors alors nous pouvons faire plus de profit - correct ?  Je pense qu'à partir de maintenant vous comprenez le cycle infernal qui se déroule lorsque vous vous concentrez sur les rendements (efficacité) - normalement les catastrophes apparaissent très rapidement. Telle est la vie dans le mode des coûts et de la comptabilité analytique.

Dans votre société, si vous ne payez pas vos employés à l'unité produite, alors l'hypothèse où l'on utilise l'allocation de coûts de main d'oeuvre ou de n'importe quel coût, est totalement fausse! Pourquoi est-ce que l'on stigmatise cette "allocation des coûts" de manière si forte dans la compta analytique? L'hypothèse qu'en augmentant les rendements on réduit les coûts unitaires est aussi non valide.
Dans la réalité d'aujourd'hui où l'on paie se employés à l'heure (ou à la journée, ou à la semaine ou au mois), le coût reste le même.
La compta de flux contient seulement les Coûts Totalement Variables (TVC) & le Throughput (T = MSCTV marge sur coûts totalement variables - pour les entreprises à but lucratif).
Le calcul est simple:
T = PV - TVC 
<=> Marge (Sur Coûts Totalement Variables) = Prix de Vente - Coûts Totalement Variables
<=> donc T = PV - TVC
Le Throughput, à la base, c'est la somme d'argent qu'il vous reste quand vous vendez un produit après avoir payé tous les coûts totalement variables (matières premières etc.).
Aucun allocation de coûts, rien n'est supposé,  c'est juste un simple calcul de liquidité issue de la vente (du produit ou du service).

Bob Sproull
Traduit & adapté par Erik Mano avec l'autorisation de Bob Sproull & Bruce Nelson

Et voilà l'usine à chaussettes c'est fini!

Est-ce que tout a été clair? est-ce que lorsque vous regardez votre entreprise vous ne vous sentez pas au milieu de l'usine à chaussettes du début du vingtième siècle?
Comment prenez-vous vos décisions au jour le jour? en regardant le coût? en regardant vos stocks et/ou l'investissement? ou en regardant ce que vous allez gagner, c'est à dire votre futur Throughput?

Sans attendre de réponse précise de votre part, je crois déjà la connaître... et ce n'est pas une critique, car il vous faudra du temps pour changer cette manière de réagir et de fonctionner, si vous êtes seul(e)(s) à vouloir faire ces changements autour de vous.

Pourtant, si vous vous engagez dans cette voie, sachez que vous ne serez pas réellement seul(e)(s) et que vous allez très bientôt parvenir A FAIRE PLUS AVEC MOINS.

Dans les prochains articles nous verrons comment s'attaquer à ce qui aura le plus d'effet dans votre organisation en termes de résultats (faire plus) sans faire des efforts partout à la fois (avec moins).
Des indices?
Je dirais que si j'étais vous, je réfléchirais à une manière de pouvoir m'offrir minimum 2 heures une ou deux fois par semaine pour réfléchir à ce que vous faîtes dans votre entreprise pour augmenter T sans augmenter OE (les coûts d'exploitation) ni augmenter I (stock/investissement).

Rappelez-vous de cette image Figure 3:
Figure 3: on AUGMENTE tout en réduisant ou en STABILISANT I & OE

A très bientôt,
ERIK MANO

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