N°5 - Suite de L'usine à Chaussettes - bonnes MESURES pour bien DECIDER

L'usine à chaussettes ou comment réduire les coûts unitaires...

Introduction 

Ceci est le deuxième article de la série qui va traiter des bonnes attitudes à adopter dans l’entreprise d'aujourd'hui pour juger de ce qui va l'aider à se rapprocher de son but, et surtout comprendre ce qu'il faut se poser comme question en permanence pour vérifier que l'on n'est pas juste en train d'appliquer les recettes d'hier aux conditions d'aujourd'hui: parfois cela fonctionne et c'est tant mieux, mais restons ouverts aux évolutions, ne nous limitons pas inutilement à la dernière mode...

Et pourquoi est-ce que la TOC ne serait pas une "dernière mode"?
Parce que la TOC existe depuis le milieu des années 80 aux USA avec l'arrivée du livre titré LE BUT, un processus de progrès permanent, Dr. E. GOLDRATT (première édition anglaise en 1984, troisième édition révisée en 2004, quatrième édition en français en 2012 AFNOR - à ce jour plus de 5 millions de livres vendus dans le monde), et qu'aujourd'hui elle enseignée dans les programmes de MBA aux USA, et elle est prise de plus en plus au au sérieux en Europe et en France.

Rappelons que la TOC, la théorie des contraintes, a démarré sur la base suivante:

“Every real system, such as a business, must have within it at least one constraint. If this were not the case then the system could produce unlimited amounts of whatever it was striving for, profit in the case of a business.……………….”
Dr Eliyahu Goldratt

Ceci peut être traduit simplement par:
"Chaque véritable système, comme une entreprise par exemple, doit contenir au moins une contrainte. Si cela n'était pas le cas, alors le système considéré pourrait produire des quantités illimitées (infinies) de ce pour quoi il a été conçu, ce qui dans le cas d'une entreprise est son résultat net..."

Dans ce deuxième article nous allons à nouveau rencontrer cette idée du But de l'entreprise et des choix que l'on peut faire pour se rapprocher de son but - ou s'en éloigner!

Petit rappel de l'article N°4 

Comme vous l'avez lu dans l'article N° 4, nous sommes en train d'étudier une entreprise qui fabrique des chaussettes. (Sock maker en anglais).
Je rappelle que cet exemple est tiré du livre  Epiphanized: Integrating Theory of Constraints, Lean and Six Sigma (TLS) de Bob Sproull et Bruce Nelson (North River Press, 2012)

Au début du 20ème siècle, les employés de notre usine étaient payés sur la base de leur travail effectif, c'est à dire qu'ils étaient payés par paire de chaussettes fabriquée. On peut appeler cela un salaire payé à l'unité.
Dans ce cas précis, pour la comptabilité analytique de l'époque il était très correct d'associer au produit fabriqué, ce coût de main d'oeuvre lié:

  • 1 paire fabriquée = 1 coût de fabrication associé.
  • aucune paire fabriquée = aucun coût de fabrication lié.


L'ère du salaire payé à l'unité ( = à l'unité produite) révolue, le salaire fut payé de manière fixe. Cela fait partie de l'évolution du monde du travail. Les coûts du travail sont donc passés d'un coût unitaire réellement variable à un coût fixe journalier puis horaire. Puis les journées de 8 heures se sont généralisées et les semaines de 5 jours de travail  aussi, ceci nous donnant un total de 5x8 = 40 heures de travail par semaine.
Comme tout bon chef d'entreprise, celui à la tête de l'usine de chaussettes avait jusque-là récupéré les idées véhiculées par ses ancêtres: pour rester en activité, il fallait vendre des produits à une valeur supérieure à ce que les produits lui coûtaient.
Il décida donc que pour produire chaque paire de chaussettes au coût de production le plus bas, il lui fallait par conséquent réduire ses coûts.
Or, ayant vu ses coûts de main d'oeuvre passer...

  • d'un coût totalement variable (payé à l'unité produite) 
  • à un coût totalement fixe (40h par semaine, quelles que soient les quantités produites),  
... il fallait donc réagir.


Et dans sa logique à lui il s'est dit: si pour un temps donné je produis plus de paires de chaussettes, alors mon coût de main d'oeuvre étant fixe, si je le ramène à une paire de chaussettes, ce coût va aller en diminuant... Et plus je produis pour le même temps donné, et plus je réduis mes coûts! Donc je vais faire en sorte que pour chaque heure travaillée, chaque employé(e) fabrique un maximum de chaussettes! c'est LA solution! GENIAAAAAAAAAAAL!

Et pourtant, dans sa logique incomplète, il résonna comme un tambour. 

Suite de la démonstration du raisonnement incomplet du fabricant de chaussettes

Afin de continuer cette démonstration, qui je l'avoue avait pourtant bien démarré pour notre chef d'entreprise, je vais, comme pour mon précédent article, traduire un article du blog de Bob Sproull, l'un des coauteurs du livre Epiphanized mentionné plus haut.

Extraits traduits de l'Article N°249 de Bob Sproull:
[...]
Avec ses nouvelles trouvailles qu'il avait faites sur les hauts rendements en production,  arriva un autre problème. En effet, notre chef d'entreprise se rendit vite compte que pour que tous ses employés puissent produire en continu des paires de chaussettes avec des hauts rendements, il lui fallait bien sûr acheter de plus en plus de matières premières. Les matières premières étaient onéreuses, mais il n'avait pas le choix, il les lui fallait. Notre propriétaire savait que son succès passé était directement lié à sa capacité à maintenir de très hauts rendements  et conserver ses coûts bas. De plus en plus de matières premières étaient achetées. De plus en plus de chaussettes étaient fabriquées. Les chaussettes étaient à présent fabriquées bien plus vite qu'il n'arrivait à les vendre. Ce dont il avait besoin à présent était de plus d'espace de stockage pour stocker toutes ces chaussettes si magnifiquement bon marché! Donc, à un prix non négligeable, notre propriétaire fabriqua un nouveau dépôt pour stocker de plus en plus de chaussettes à bas coût. Il avait à présent en stock des tonnes et des tonnes de chaussettes à bas coût. D'après ses derniers calculs, les chaussettes ne coûtaient presque plus rien à fabriquer. Il économisait des sommes astronomiques! ou bien, peut-être pas?...
Bientôt ce furent les créditeurs qui commencèrent à montrer le bout de leur nez en lui demandant leur argent. Notre chef d'entreprise était en retard pour régler les factures des matières premières de ses fournisseurs. Il avait des dépôts pleins de stocks de chaussettes pas chères, mais il n'arrivait pas à vendre ses chaussettes au même rythme qu'il les produisait. Il arrivait juste à fabriquer plus de chaussettes. En rationalisant, il en conclut qu'il devait réduire ses coûts afin de les conserver à un niveau très bas, et que pour atteindre cet objectif il devait conserver des rendements élevés. Notre chef d'entreprise réalisa bien vite qu'il devait économiser encore plus d'argent. Il devait réduire ses coûts encore plus, et donc il dut renvoyer des employés et réduire sa main d'oeuvre pour économiser plus d'argent. Mais comment en était-il arrivé là, bon sang? Son entreprise avait des rendements extrêmement élevés! Ses coûts par paire de chaussettes étaient très bas. Il avait économisé le maximum d'argent qu'il pouvait, et pourtant son entreprise était en train de couler - mais bon sang, comment était-ce possible?

La réalité avait changé et le coût de la main d'oeuvre avait changé aussi (la main d'oeuvre était passé d'un coût totalement variable à un coût [invariablement!] fixe), mais les règles de la comptabilité analytique n'avaient pas évolué. Le propriétaire essayait toujours de traiter ses coûts de main d'oeuvre comme des coûts variables. Même de nos jours, de nombreuses entreprises essaient encore de gérer leur main d'oeuvre comme un coût variable et alloue ainsi le coût du travail à des produits en particulier. Quand les coûts de main d'oeuvre sont alloués à un produit, alors la société essaie de passer à l'étape suivante - elle fait tous les efforts possibles pour améliorer ses rendements et fait baisser le coût de la main d'oeuvre par objet ou par unité. Ce mécanisme de pensée erroné est ancré dans leur esprit, et ces entreprises pensent que cette action fera baisser leur coût de main d'oeuvre. Et si l'on peut réduire les coûts de main d'oeuvre, se disent-elles, alors on fait plus de profit. Mais prenez donc juste une minute et réfléchissez aux conséquences engendrées par les décisions de hauts rendements et réduction de coûts de production de notre propriétaire qui fabriquait ses chaussettes. Est-ce que les résultats obtenus sont proches de ce qu'il cherchait à atteindre? Etait-ce l'issue que le chef d'entreprise espérait de ses très hauts rendements?

Dans ma prochaine série d'articles, nous regarderons avec plus de détails les problèmes rencontrés par notre fabricant de chaussettes.

Bob Sproull
TRADUIT PAR ERIK MANO, avec l'autorisation écrite de Bob Sproull et Bruce Nelson.

Continuez à réfléchir et envoyez moi vos idées par commentaire ou par email

Alors ça vous plaît toujours autant?
Vous commencez à voir comment les mauvaises MESURES aident à prendre les mauvaises DECISIONS?
Comment une réflexion menée à moitié, car basée sur les règles du passé, peuvent nous entraîner à faire des erreurs...
Heureusement, il existe des éléments de réponses pour nous aider à reprendre la bonne direction.
Tout ne sera pas simple à appliquer, et pourtant cela aura juste l'air d'être évident et ce sera du bon sens, vous le penserez.
Alors je vous dis à très vite, et ne vous empêchez pas de penser à nos chaussettes, c'est inutile, ça y est c'est en train de vous gagner, peut-être devenez-vous un peu "TOCqué" ?

Amicalement,
ERIK

ci-dessous un lien sur "Me, Myself and I" (sur moi quoi!)

Commentaires

  1. ça me fait penser que j'ai besoin de renouveler mon stock de chaussettes... ;)

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